jeudi 13 octobre 2016

13 octobre 2016 – Rétrofuturisme : rends-moi mon espoir !


Il y a encore peu de temps, on n’arrêtait pas le progrès.
On pensait qu’il avançait en sens unique et que – même s’il n’était pas facile de deviner où il nous menait exactement – il y aurait un aboutissement logique à notre évolution.
On ne connaissait toujours pas le sens de nos petites vies, mais on croyait au sens de la Vie avec un grand V. Et même si on ignorait où elle allait, on se disait qu’elle savait peut-être ce qu’elle faisait.
Le futur était une autoroute et le progrès se goinfrait de bitume comme un motard cocaïné.
C’était beau à voir.
Les pessimistes se demandaient si c’était les robots intelligents ou les extraterrestres qui allaient vouloir nous bouffer, ou bien si tout allait finir par une explosion nucléaire ou une guerre chimique.
Pour les optimistes, l’affaire était pliée d’avance : Bruce Willis sauvait le monde, on devenait éternel et on se trimbalait en voiture volante sur Terre et en vaisseau spatiotemporel dans le reste de la galaxie.
Tout ça était prévu pour bientôt, sans doute l’an 2000.
Comme ça n’est pas arrivé en 2000, on a renvoyé le projet en 2050, en 2248 ou plus tard, selon les prévisionnistes, les auteurs ou les réalisateurs.
On s’en foutait, ce qui comptait, c’est que la route était tracée.
Et puis d’un seul coup ou presque, PAF ! le progrès s’est mis à vaciller.
C’est vrai qu’il allait vite, mais on ne s’attendait pas à ça.
Il s’est mis à danser : trois pas en avant, deux pas en arrière.
La NASA a renoncé aux vols habités ; La télévision, qu’on voyait comme un danger majeur, a presque disparu des foyers ; L’Europe a commencé à se déconstruire avant d’être achevée ; Les vaccins, remèdes fantastiques aux épidémies qui avaient ravagé le monde, sont sérieusement remis en question pendant que les antibiotiques perdent de leur efficacité ; L’industrialisation de l’agriculture est remise en cause, tout comme la mondialisation des échanges ; L’anglais, qu’on pensait devenir la langue universelle, reste finalement une langue comme les autres, et ce sont les traducteurs automatiques qui s’imposent ; Et pour ce qui est de la paix, qu’on croyait solide et gagnée pour de bon, on s’aperçoit qu’elle ne tient plus qu’à un fil.
Mais le pire, c’est le plastique !
Bon sang ! Le progrès, c’était le plastique ! On en mettait partout et c’était bien ! Le plastique, c’était fantastique !
Le plastique, c’était l’enfant prodige, une matière complètement artificielle – c’est-à-dire créée par l’homme ! – qui pouvait prendre toutes les formes, toutes les couleurs, toutes les textures et à laquelle on pouvait donner souplesse, résistance et dureté selon les formules et les assemblages.
Voilà que le plastique devient un poison potentiel. Le pire poison, peut-être, parmi tous ceux que nous a apportés le progrès dans sa course démente.
Il paraît que cette saleté se fragmente en morceaux microscopiques qui infestent nos organismes, les océans, la banquise et le Saint-Émilion.
Ça promet le pire et c’est un sacré coup dur, un terrible désenchantement.
Ce problème de plastique, on peut encore espérer le résoudre, d’une façon ou d’une autre. Mais ça ne changera rien à la trahison que le progrès nous inflige. Celle-là, on aura du mal à lui pardonner.
Quand le progrès vacille, le futur devient incertain.
Inquiétant, c’est embêtant, mais incertain, c’est largement pire.
Ça ouvre la porte à toutes les peurs, même les plus délirantes.
Sans progrès, sans futur, nous voilà de nouveau avec nos problèmes existentiels sur les bras, et plus rien pour en alléger le poids. Plus rien pour nourrir nos espoirs.
C’est un sacré coup dur, mais ça n’est pas tout.
Le moteur du progrès, c’était l’intelligence, la logique et la formidable créativité de l’homme. Tout ça devient suspect. Surtout la logique, cette chose froide qu’on a bien d’autres raisons de détester.
Il faut bien un coupable, n’est-ce pas ? Ça sera la logique ! Elle a pris beaucoup trop de place depuis Descartes et Freud. Et voilà le résultat !
On se méfiera désormais des idées.
De toutes les idées.
On rira des experts ou prétendus tels.
On ne croira plus aux prévisions. Quand le futur est incertain, les prévisions ne valent rien.
On se moquera des projets.
Le futur est mort, le présent est un océan de doutes, une expérience erratique dont nul ne peut deviner l’issue.
Dans cette glu opaque, on se gardera bien de demander aux hommes politiques le moindre programme. À quoi ça servirait ?
Évidemment, sans programme, sans idées pour se départager, les hommes politiques sont un peu démunis. Ils se trouvent obligés de se battre sur des questions personnelles ou de créer des polémiques absurdes. Sans programme et sans idées, il ne leur reste que le populisme et la surenchère dans des promesses qui ne valent plus rien.
L’avantage, c’est que personne ne sera déçu, puisqu’il n’y a plus d’espoir.
On se méfie de tout et on voit le complot partout. La lune ? C’était du chiqué ! Le 11 septembre ? Un coup monté ! Les pesticides sont volontairement conçus pour nous rendre malades. Les francs-maçons dirigent le monde. L’énergie gratuite et sans danger existe depuis longtemps, mais les méchants industriels ont enterré les brevets qui la rendraient possible...
Ces croyances ne résistent pas longtemps à l’examen de la logique, mais puisque la logique est devenue suspecte, on se garde de la suivre jusqu’au bout.
Vous voulez faire rire vos amis ? Affirmez-leur que le monde va bien, qu’il n’est jamais allé mieux, que la pauvreté diminue à vive allure, que la démocratie ne cesse de progresser pendant que le nombre de pays en guerre dégringole, que les homicides sont en chute libre, tout comme les violences envers les femmes et les enfants, que les génocides actuels font cent fois moins de morts que ceux d’il y a vingt ans, que notre niveau de vie, malgré le tassement qu’il a connu récemment, reste très largement supérieur à celui de la génération précédente, et que nous allons vivre au moins dix ans de plus que nos parents...
Hum..., finalement, ça ne sera peut-être pas drôle pour vous.
Pourtant, toutes ces affirmations sont avérées par des statistiques dont il est difficile de soupçonner le sérieux (à moins d’imaginer qu’elles sont le résultat d’un complot).
Au final, le progrès ne nous a peut-être pas trahis sur toute la ligne.
Au final, compte tenu de nos attentes, le progrès est peut-être trop lent plutôt que trop rapide. Il n’a peut-être pas les pouvoirs divins dont nous l’avions investi. Il n’a peut-être pas réponse à tout.
Au final, il nous faut peut-être continuer à chercher l’espoir, le courage et la force en nous, plutôt que d’attendre qu’on nous les livre en gélules.
Au final, il nous faut peut-être apprendre à résister aux marchands de peur, les marchands de malheur, tous ceux qui nous répètent que le monde va mal, inlassablement, jusqu’à réussir à convaincre le plus grand nombre (contre toute logique).
Au final, il faudrait peut-être accepter que c’est notre façon de regarder le monde qui détermine radicalement notre bonheur et que c’est notre bonheur qui détermine nos succès (et non le succès qui apporte le bonheur).
Au final, il faudrait peut-être réaliser que nous sommes seuls à pouvoir changer notre vision du monde, que personne ne peut le faire à notre place, et que nous pouvons commencer tout de suite.
Alors, peut-être qu’un véritable progrès pourrait se mettre en marche...

Pour les statistiques, consulter par exemple :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire